DÉRÉGULATION FINANCIÈRE, EN ARRIÈRE TOUTE ! par François Leclerc

Billet invité.

On n’oubliera pas le mois de décembre 2014 : le virage est engagé, la priorité est désormais donnée à la libération du marché et à la suppression des entraves réglementaires qui se sont multipliées ! Des deux côtés de l’Atlantique, les banques ont fini par avoir gain de cause et obtenu simultanément l’abandon des réformes sur le sujet emblématique et très sensible de la séparation de certaines de leurs activités spéculatives sur fonds propres.

En dépit de l’opposition farouche d’un large secteur des élus démocrates, Barack Obama a obtenu au forcing le vote par le Congrès d’un amendement à la loi Dodd-Frank de 2010 qui abrogeait cette disposition, en particulier pour les Credit default swaps (CDS). Préludant à son abandon, la reculade sur ce même dossier du nouveau commissaire européen aux affaires financières, Jonathan Hill, n’est pas passée inaperçue dans les milieux bancaires qui ont salué avec un grand soupir de soulagement cette éclaircie.

Sous le titre « La pause, enfin ? » l’éditorial de l’hebdomadaire financier français l’AGEFI mérite à cet égard d’être cité : « les banques sont assainies, leur supervision contrôlée et la stabilité financière consolidée. Mais le trop-plein de régulation, l’instabilité de son cadre même, ont sérieusement mis à mal le financement de l’économie, en faisant fi d’un principe de base. Il existe des fondamentaux dans l’équilibre économique des banques : à trop renforcer leur niveau de capital, on met en danger leurs métiers essentiels que sont le crédit ou la tenue de marché ».

Écoutons également Jonathan Hill : « Je ne suis pas là pour annoncer que les règlementations existantes vont être jetées dans un feu de joie au nom de la croissance… Mais le bon sens veut que l’on fasse un pas en arrière après cinq années de travail législatif très actives et que l’on se pose la question : avons-nous toujours trouvé le bon équilibre entre la réduction des risques et l’encouragement à la croissance ? ». La rupture avec l’ère de Michel Barnier, le précédent commissaire, est consommée, et la priorité est donnée à un nouvel agenda : celui de « l’union des marchés de capitaux ».

L’objectif proclamé est d’abandonner toutes les mesures de régulation encore en gestation, fautives car bridant le développement des financements de marché. La réglementation des fonds monétaires auprès desquels les banques vont chercher leur financement à court terme va notamment s’en ressentir, au prétexte de ne pas accroître leurs coûts et de restreindre le crédit bancaire par voie de conséquence.

Que s’agit-il de favoriser ? Le nouveau commissaire part du constat que « l’épargne est compartimentée entre États membres, trop concentrée dans les bilans bancaires » et que « cela pèse sur la croissance et la profondeur des marchés ». Il faut donc y remédier en mettant fin à la désunion des marchés, afin que les marchés obligataires et d’actions prennent une part accrue dans le financement de la croissance, comme c’est le cas aux États-Unis. La ligne fixée, les mesures ont été mises à l’étude sans tarder. Souhaitant susciter une réaction du système bancaire face au développement de sa concurrence, il est parallèlement recherché la relance du marché de la titrisation, dans la lignée des tentatives de soutien engagées par la BCE avec ses achats d’Asset-backed securities (ABS).

Enfin, opérant une réhabilitation du shadow banking, le dernier rapport global du FMI avait cet automne annoncé la couleur en suggérant aux responsables politiques de « maximiser les bénéfices de la finance de l’ombre tout en minimisant les risques systémiques ». Il lui était soudainement redécouvert des vertus oubliées : l’accroissement de la liquidité du marché et le partage du risque. Prenant acte de son développement, ainsi que des restrictions apportées au crédit bancaire, il devenait urgent de prendre en considération son apport incontournable au financement de l’économie.

Il s’agit donc de faire feu de tout bois pour sortir des marais actuels. Porteuses d’espoirs déçus, les banques n’ont pas répondu aux attentes et il faut en tirer les conséquences. En les soulageant tout en trouvant d’autres canaux de relance de la croissance, qui seule permettra de sortir de la crise de la dette. Annonciateur d’inévitables rebondissements de la crise financière, le tournant qui est pris est à la mesure de l’impasse rencontrée. À Dieu vat !